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lundi 14 juillet 2014

Skálmöld, parce que l'Islande aussi fait du Folk-Metal

J'étais tombé y a longtemps sur Skálmöld, et je n'avais pas été plus emballé que ça. Le groupe islandais n'était pas parvenu à garder mon attention à l'écoute de quelques pistes prises au hasard, et je pense que l'horrible artwork de leur (à l'époque seul) album a certainement joué. J'avais laissé le groupe de côté et ne m'y étais plus guère intéressé.

Jusqu'à ce que l'ennui me prenne dans l'avion à destination de Reykjavík. Dans les avions Iceland Air, le siège en face de vous est équipé d'un écran tactile qui offre un vaste choix de musique, films et séries. Et dans la catégorie "musique", y avait une section "Islande", et une sous-section "metal". Curieux, je farfouille dans leur bibliothèque et - oh ! - revoilà Skálmöld, avec une description qui dit que c'est du folk-metal islandais de la mort qui tue par fatalité. Comme j'ai du temps et que j’aime laisser une seconde chance à des groupes, je lance leur premier album, Baldur, le regard porté sur le hublot. Et là, est-ce à cause des conditions d'écoute, du contexte, du fait que je n'avais pas vraiment regardé cette pochette horriblement kitch, je ne sais pas, mais ça a fait clic.

Heima, l'intro de l'album Baldur.

Déjà, l'intro, quoi. Plongé dans l'ambiance par une démonstration de poésie traditionnelle islandaise, on découvre un univers sonore très enraciné dans la culture islandaise. Les paroles sont écrites en s'inspirant des techniques d'écritures de poésie islandaise et de chants traditionnels, les rimurs. Quand elles ne sont pas complètement écrite comme des poèmes anciens. La chanson Sorg utilise d'ailleurs une technique assez compliquée où le chanteur chante le passage précédent "à l'envers", donnant un nouveau sens au couplet. Alors certes, on rate énormément à ne pas comprendre le texte (et malgré mes bribes d'Islandais, c’est donc mon cas aussi), mais ça reste fascinant de voir comme les membres se sont donnés du mal pour écrire des chansons de folk-metal vraiment islandais, et pas génériquement "viking" ou "pagan". Dans les mélodies composées avec les règles anciennes en tête, l'identité de Skálmöld saute aux oreilles.

Les thématiques sont inspirées des sagas et des mythes nordiques, on s'en doute. Baldur reprend l'e mythe du Dieu injustement assassiné d'un point de vue évhémériste en s'inspirant du style des sagas islandaises (les dits historiques et Sagas des Contemporains), alors que le second album Börn Loka est un catalogue des divinités et créatures de la mythologie avec Loki et sa progéniture à travers une "suite" au premier album où l'on suit un descendant de Baldur qui essaye de sauver sa sœur et rêve de devenir Einherjar (tout en se faisant couillonner par Odin au passage). La très bonne chanson Gleipnir, d'après ce lien fabuleux créé par les nains pour entraver le loup Fenrir jusqu'à la Fin des Temps, a même eu droit à une vidéo fort classe (dans le genre visit-island.is) qui est en fait un résumé en vidéo de l'histoire racontée par l'album :

 Gleipnir, de Börn Loka.

Le groupe a réalisé deux albums studio, Baldur et Börn Loka (Enfants de Loki) et un live avec l'orchestre philharmonique d'Islande, concert extraordinaire mêlant les deux albums, un gros best-of dopé aux chœurs massifs qui font du CD un vrai chef-d’œuvre !

Kvaðning, l'une des mes chansons préférées du groupe, en live qui pète la classe.

On pourra ne pas accrocher à la voix du chanteur, pas vraiment une voix claire sans être un growl, et la répétitivité du chant, puisqu'il déclame ses vers plus qu'il ne chante, finalement, on reste dans une approche de scalde... en plus metal, évidemment. Mais on appréciera peut-être ces mélodies rafraîchissantes, ce soin apporté aux compositions et ces petites touches intéressantes, ici et là, comme le growl féminin sur le chanson Hel, que je vous remet en version concert par le choeur qui les accompagne est quand même ultra classe :

Hel !
Et si cela ne vous a pas encore convaincu, j'aouterai l'écoute de la piste Baldur, sorte de mix entre les chansons Heima et Valhöll, dont la beauté, la puissance, et le style, ont fini de me faire adhérer définitivement et sans plus aucunes réticences à ce groupe très particulier. Il faut savoir que l'Islande, nation peur portée sur le metal par rapport à ses autres camarades nordiques (dont le champion toutes catégories la Finlande où le metal est carrément main-stream), a pourtant vu le live avec l'orchestre philharmonique se faire catapulter en tête des ventes musicales à Noël, tous genres confondus. Énorme succès après seulement deux albums studio, que dire de plus ? Sinon qu'il faudra garder nos oreilles grandes ouvertes, le troisième album est enregistré, les nouvelles chansons ont déjà été jouées dans quelques concerts en Islande, et j'aurais donc bientôt du nouveau à vous dire sur Skálmöld !

Baldur, conclusion épique du live.

Ah oui, et si vous avez regardé l'Eurovision, vous avez peut-être remarqué la chanson délirante des Islandais, No Prejudice de Pollapönk



Eh ben le mec en rouge avec une énorme barbe (et une crête iroquois, sous sa capuche) qui fait le backing sur cette chanson, c’est un guitariste de Skálmöld. Bah ouais, maintenant tu peux regarder les vidéos précédentes du live et te marrer en pensant à son jogging !

Et c'est aussi un député de leur Parlement.

Ça fait rêver, hein ?

Odroerir, Folk mélodique et lyrique aus Deutschland

Si vous appréciez Falkenbach pour son côté mélodique, ses envolées lyriques et paradoxalement sa retenue dans l'instrumentation folk, loin du humpa-metal ou des gros boom-boom guerroyant, sans doute aimerez-vous alors Odroerir.

Des Thors Hammer Heimholung, de l'album Götterlieder II

Allemands, eux aussi, les Musikanten d'Odroerir sont un de mes coups de cœur pour plusieurs raisons. Déjà, ils sont sobres dans leur instrumentation, que ce soit dans les parties orchestrales ou folk, qui leur donne ce petit côté troubadour moderne, médiévalisant sans tomber dans la machine de guerre musicale à la In Extemo. Là, on croirait une petite troupe jouant pour son public dans une salle de festin plutôt que sur un marché bruyant, et c’est très rafraîchissant. Ensuite, les thématiques norses de leurs albums ne peuvent que flatter mes goûts et donc me taper dans l'oreille. Mais surtout, contrairement à certains  beaucoup  la plupart des groupes dits "païens" ou à inspiration mythologique, le groupe ne se contente pas de reprendre quelques clichés en les recouvrant d'un glacis héroïque. Alors attention, j'aime l'héroïque cliché, hein, sinon j'écouterais pas Ensiferum, mais j'apprécie aussi quand un groupe est capable, comme ici, de retourner aux sources et de paraphraser, voir carrément citer ou mettre en musique les Eddas, les vrais. Odroerir le fait, et le fait avec classe.

Odroerir, aus Götterlieder I

Le nom du groupe est celui de la corne contenant la liqueur de l'inspiration, et ils ne l'ont pas volé. Leurs morceaux sont beaux, ils savent prendre leur temps, ils jonglent entre les voix masculines, féminines, les chœurs et quelques rares growl très légers, et surtout, ils ne tombent jamais dans les excès du genre. Certains morceaux sont uniquement acoustiques et folk, d'autres seulement légèrement metal, d'autres enfin carrément dans le genre, sans jamais donner l'impression de perdre en équilibre. Équilibre, sobriété, beauté mélodique et surtout authenticité sont les maîtres mots, et je ne peux que vous inviter à découvrir le groupe si vous ne le connaissez pas encore.

Ask und Embla, Götterlieder I

D'autant plus que le groupe n'a malheureusement que deux albums à son actif, trois si l'on compte leur premier album disponible sur youtoube mais épuisé partout (Lasst euch Sagen aus alten Tagen...). Les deux albums suivants sont en revanche facilement trouvables et se nomment Götterlieder I et Götterlieder II (Chants des Dieux I & II). Le second opus et un peu mieux maîtrisé au niveau des orchestrations et sonne un peu moins rustique, peut-être (bon, en même temps, le groupe mûrit, c’est normal), et sa piste finale, Allvater, est tout simplement géniale :


Même si leur dernier album date de 2010 et que le groupe n'a sorti aucune news depuis (leur site est mort, leur MySpace - on ne rie pas - aussi, mais leur Facebook est actif), ils continuent de faire des concerts et des festivals, et on peut donc espérer un Götterlieder III ou quelque soit le nom qu'ils donneront à leur futur bijou de folk-metal mélodique !